Transfert de la mairie de Vaux-le-Pénil: il faut un vrai débat !
Julien Guérin, conseiller municipal de Vaux-le-Pénil, coordinateur du groupe Vaux-le-Pénil notre bien commun.
D'abord connaitre l'histoire pour parler de l'avenir...
En lisant le dernier numéro du journal communal Reflets je vois qu’existe le projet de déplacer l’hôtel de ville de Vaux-le-Pénil dans les prochains mois. Cette décision éventuelle est lourde de signification. Elle ne peut se prendre à la légère. La mairie, expression de la souveraineté populaire, est la maison de tous les citoyens.
Ce choix concerne donc tous les habitants et il est nécessaire de se donner le temps, de consulter le plus largement possible. C’est l’affaire des citoyens qui s’y rendent et sont attachés aux services qui leur sont rendus mais aussi des employés municipaux qui y travaillent quotidiennement au service des habitants.
Le contexte sanitaire est peu propice à de larges réunions publiques c’est pourquoi toute décision hâtive et précipitée serait une erreur démocratique. Avant de se projeter dans l'avenir, un coup d'œil dans le rétroviseur historique est indispensable pour éclairer le débat.
C’est en 1790 au cours de la Révolution Française que se forment les premières municipalités modernes. Même si elles ne sont élues qu’au suffrage censitaire (c’est-à-dire seulement par les citoyens payant l’impôt) elles vont participer du vaste et formidable mouvement d’émancipation démocratique et populaire. A Vaux-le-Pénil c’est à l’intérieur d’une chapelle aujourd’hui détruite au bas de côte Saint Gemme que se sont tenues les premières élections. C’est Jean-Charles Briard qui est désigné maire. Une rue porte aujourd’hui son nom en centre-ville. C’est dans cette artère que se trouve l’Arcature siège de la bibliothèque et de la crèche collective.
Il semblerait que la première mairie se trouvait en face de l’actuel lycée à proximité des Communs du château. L’actuel projet défendu par le Maire serait donc, en quelque sorte, un étonnant retour vers le passé.
Situé rue des Carouges l'actuel Hôtel de Ville a été construit en 1847 en belles pierres de Brie puis progressivement agrandi et transformé au fil des décennies. Au départ on y trouve une salle de réunion, une salle de classe pour l’école des garçons et un logement de fonction pour l’instituteur. Le choix de cet emplacement ne paraît rien devoir au hasard. La rue des Carouges, où existe déjà un cabaret-restaurant, est le cœur vivant du village. C’est là où se concentre l’activité artisanale et marchande de Vaux-le-Pénil. C’est encore le cas aujourd’hui d’ailleurs.
Au XIXè siècle l’élection directe des conseils municipaux est loin d’être acquise et sera un long combat de la gauche républicaine. Pendant la période du Second Empire (1852-1870) si le conseil municipal est élu par les citoyens, le maire est quant à lui désigné par le Préfet. Les communes sont ainsi placées sous la tutelle administrative et politique de l’Etat. Après l’épisode de la Commune de Paris en 1871 et son exercice inédit de démocratie directe et populaire, la méfiance envers cette unité citoyenne de base reste de mise, même sous un régime républicain. Élevée sur les ruines fumantes de la répression communarde et sans cesse menacée par les royalistes, la IIIème République instaure par une loi de janvier 1874 la désignation des maires et des adjoints des communes chefs lieux de département, de cantons et d’arrondissements par un décret du chef de l’Etat. Vaux-le-Pénil, bourg rural et briard traditionnel qui ne compte alors qu’environ 800 habitants (contre plus de 11 000 aujourd’hui) n’est pas concernée par ces dispositions. Le maire y est désigné par les conseillers municipaux. La fonction est alors successivement occupée par un Freteau de Pény (famille des descendants des seigneurs de Vaux d’avant 1789) entre 1874 et 1878, par Louis Nivet de 1878 à 1883, Antoine Moissy (une des plus ancienne famille de la ville) de 1883 à 1892, Louis Dubois de 1892 à 1908 et l’emblématique Ambroise Pro de 1908 à 1943.
C’est sous la direction d'Ambroise Pro, maire radical-socialiste et républicain convaincu, que l’hôtel de ville va connaître une modification majeure et emblématique. C’est en 1911 que le conseil municipal décide de faire construire le fameux campanile et son horloge à quatre cadrans taillée dans la pierre de Volvic. Cet élément architectural connu de tous les Pénivauxois est devenu un des symboles de la ville et de son paysage urbain. Pro, par ailleurs militant laïque teinté d’anticléricalisme, a t-il alors voulu matérialiser la présence du pouvoir municipal républicain par ce campanile visible à plusieurs mètres à la ronde ? C’est possible. En tous cas, des générations de Pénivauxois s’y sont attachées et la sonnerie de son carillon marquant les heures fait désormais partie intégrante de notre paysage sonore le plus quotidien. Il faut bien intégrer cette dimension affective, venue du temps long, lorsque l’on veut réfléchir à l’avenir et que l’on envisage de tourner des pages où sont inscrits des dizaines d’années de souvenirs pour des milliers de personnes.
La mairie actuelle fut aussi le théâtre d'événements plus douloureux. Le 15 juin 1940 les troupes allemandes qui viennent d’entrer dans Melun bloquent la rue de la Baste et débouchent par la rue des Bordes sur l’hôtel de ville. Vidée par l’exode des habitants écrasés sous les bombes, Vaux-le-Pénil et ses autorités municipales retranchées en mairie vont assumer la défaite et l’occupation du village pendant plus de 4 ans. Ambroise Pro sera démis de ses fonctions de maire en décembre 1942 en tant que dirigeant local de la Franc-maçonnerie dont les idées philosophiques humanistes sont un défi à l’ordre nazi et collaborationniste.
Les réunions du conseil municipal continuent de se tenir dans la salle des mariages de la mairie sous les mandats successifs de Raymond Hervillard (de 1943 à 1971), de Louis Augier ( de 1971 à 1989) puis de Pierre Carassus jusqu’en 2014 où les séances du conseil sont transférées à la maison des associations.
Le projet de transférer l’hôtel de ville ne peut donc être le fruit d’une décision précipitée, qui plus est dans un contexte peu propice à une large discussion citoyenne. IL faut en créer les conditions. Pour l’heure ce n’est pas le cas.
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